dimanche 13 juin 2010

Le nordeste brésilien

Après les Andes et l'Amazonie, on aspire à des contrées moins hostiles, plus accueillantes. Et ça tombe plutôt bien, le Nordeste brasileiro n'est plus très loin. Première étape, Belém; on ne sait pas trop à quoi s'attendre en y arrivant en avion depuis Manaus. Malgré la ville assoupie en ce jeudi férié, on se remplit la panse de recettes locales sur les docks réaménagés: tacaca, farofa, pirarucupato no tucupi; et on se promène, en sirotant des jus de fruits tropicaux inconnus, dans le mercado Ver-o-Peso*, ancien marché aux esclaves débarqués d'Afrique, mais aussi fascinant marché de fruits, épices, remèdes, légumes et animaux du front de mer. Après une nuit dans le bus, une de plus, Sao Luis. Fondée par des français en 1612, la France y garde bonne presse puisqu'elle n'usa pas de l'esclavage, avant de se faire déloger dès 1614 par les portugais, inquiets pour leur suprématie au Brésil. On se faufile entre les gouttes en arrivant le matin, mais les ruelles pavées défraîchies et colorées du centre, paradis des rastas - la plus grande communauté au Brésil -, charment tout de suite. Et c'est encore mieux lorsque le soir démarrent les "festas juninas de Sao Joao". Ça grouille de monde dans la rue et ça avale des caipirinhas dans une ambiance festive; concerts de samba, défilés, c'est presque carnaval. Et le lendemain, la gueule de bois quand on part aux aurores pour les Lençois Maranhenses, ce désert truffé de lacs, paysage superbe complètement surréaliste. 
Et à partir de là, c'est Brasil Plage: Jericoacoara, havre de tranquillité perdu derrière les dunes, dans lequel on se cache pendant quelques jours. Palmiers, capoeira**, planche à voile, caipi - rinhas ou roskas -, couchers de soleil, galopades à cheval, forró - musique et danse syncopée du nordeste. Puis Praia da Pipa, juste au sud de Natal. Et l'ambiance y reste tout aussi détendue, malgré les débuts ridicules des Bleus dans la Copa do Mundo, qui font bien rire les brésiliens, encore vexés par 1998 et 2006.


* littéralement "Voir le Poids" du temps ou les portugais contrôlaient le poids des marchandises pour mieux les taxer
** art martial d'origine afro-brésilienne devenu petit à petit danse acrobatique effectuée en musique - clappement de mains et Berimbau -, pour masquer son caractère martial lors de la période esclavagiste. 

mercredi 2 juin 2010

Proudest monkey*

Manaus, c'est une ancienne gloire du caoutchouc. La ville revêt encore sa splendeur passée du début du siècle par endroits: la copie parisienne du marché des halles, le port flottant qui encaisse sans sourciller les variations de niveau de l’Amazonas - jusqu’a 14m entre saison humide et sèche; et surtout le teatro Amazonas, magnifique opéra dont la construction aura nécessité d'acheminer par bateau des 4 coins du monde le bois, les ferrures, les colonnes, les toiles peintes. Et qui reste la fierté de la ville.
La foret amazonienne s'étend tout autour. On part vers le sud pour la visiter, sur le Rio Juma. Et on s'enfile dans cet enfer vert après avoir traversé le curieux "encontro das aguas", la rencontre des eaux claires du Rio Solimoes (le nom de l'Amazone au nord de Manaus) et des eaux noires du Rio Negro, qui vient du nord, qui ne se mélangent pas immédiatement et glissent l'une contre l'autre pendant quelques centaines de mètres**.
Autour du lodge, c'est le dépaysement; des bras de rivières un peu partout, quelques habitations sur pilotis, et la foret, inondée - iguapós - ou non. Le niveau de l'eau est encore très haut. Pendant 3 jours, on profite donc de la foret - finalement pas trop infernale -, et on la découvre avec notre guide Sammy, qui la connaît comme sa poche. Orpailleur en Guyane Anglaise, au Brésil, mule, il l'a traversée, s'y est caché, y a - tout - vécu, y a survécu. Il nous raconte les plantes, les remèdes, trouve de l'eau ou de la quinine dans les troncs d'arbre, nous fait manger des vers au goût de coco et des fruits délicieux, nous montre les lentilles naturelles d'un caïman - qui lui permettent de voir sous l'eau - et l'endort en lui caressant la peau du ventre. Bref, on apprend en s'amusant - tiens, ça sonne comme un slogan connu ça. On pêche du piranha, on se gave de poissons amazoniens, on guette les dauphins d'eau douce, on campe dans la jungle. Et on arrive finalement a voir quelques singes, qui se baladent en haut des branches. Pour le paresseux, on repassera par contre, et j'en suis bien navré! La foret, c'est une ambiance, c'est dense. Les animaux sont là, on les entend - les singes hurleurs te réveillent même la nuit. Mais ils sont fiers et ne sortent pas toujours le bout de leur nez pour prendre la pose.

* Proudest monkey
** En raison des différences de température, densité et vitesse (pour les geek de méca flu..)